Culture x Femmes noires N°2
Pour cette édition n°2, je choisis de revenir sur 2 documentaires sortis sur France TV Slash cet été que j'ai eu le plaisir de visionner (“Bad Bitch, la plus belle revanche du rap”, “Ballroom, danser pour exister” réalisée par Amandine Gay), mais aussi le phénomène Théodora (bouyon, pop, “Boss Lady”) qui fait pont entre les différentes figures abordées par ces médias. On y décortique comment ces œuvres déplacent le regard: de l’insulte à l’empowerment, de la marge à la scène, du cliché à la complexité. Accrochez vous, ça ne devrait pas vous laisser de marbre!
🎬 Ballroom, danser pour exister
Un documentaire sur des personnes LGBTQIA+ racisées en France ? Rien que pour la rareté du sujet, tu devrais lancer cette série. “Ballroom, danser pour exister” (5×26 min), réalisée par Amandine Gay, nous plonge dans la scène ballroom du Grand Paris via la House of Revlon : entre paillettes, travail acharné et stratégies de survie. Habituée à traiter genre, race et minorités, Gay signe un regard précis et tendre qui sublime une culture trop souvent méconnue, et nous donne des clés pour l’aimer sans l’exotiser.
Trailer de la série Ballroom
Ballroom, c’est quoi (vraiment) ?
Née dans les communautés noires et latines LGBTQIA+ aux États-Unis, la ballroom s’organise en houses (familles choisies menées par des Mothers/Fathers) et se célèbre lors de balls, compétitions où l’on “walk” des catégories codées (Runway, Face, Realness, Vogue…). Un·e MC chauffe la salle, des juges attribuent des notes selon la performance (chop, si c'est raté). Mais au-delà du show, c’est un espace de soin et d’affirmation : on y apprend à poser, coudre, chorégraphier, négocier un cachet, et on tisse des solidarités très concrètes (logement, boulot, sécurité). En France, la scène vit surtout à Paris (et ses banlieues), avec des ramifications à Lyon, Marseille, Bordeaux, connectée à des houses mondiales.
House of Revlon : briller pour survivre
La House of Revlon est loin de m'être totalement inconnue, pour avoir aperçu plusieurs de ses membres dans certains événements publiques (dans des balls mais pas que!). D'où mon intérêt décuplé d'en voir une face plus privée. La série entre dans l’intimité de la house : le leadership de Vinii, la force tranquille de Keiona auprès des “kids”, les tensions et doutes de Gigi. On voit les victoires (coucou le ball des JO Paris 2024 😍), mais aussi l’envers : relations amoureuses quand on appartient à une minorité de genre, violences possibles, familles choisies qui pansent ce que les familles d’origine refusent, et surtout une éthique de l’effort, travailler son art, encore et toujours.
FEM Queen : le pilier trop souvent oublié
Dire que la ballroom est une “communauté LGBTQ+ non blanche” ne suffit pas : la centralité des femmes trans noires et latinas est historique et structurante. De Crystal et Lottie (House of LaBeija, la première house créée) aux FEM Queens d’aujourd’hui, ce sont elles qui donnent la grammaire du style et du courage, tout en restant les plus exposées. Le focus sur Gigi, ses conversations avec Satine, rappelle cette ambivalence : pionnières, mais encore trop souvent marginalisées, même “chez elles”.
Conclusion qui pique (et qui motive)
Regarder Ballroom, danser pour exister, ce n’est pas “faire un geste” : c’est s’instruire d’une école de liberté inventée par celles et ceux qu’on a trop longtemps relégué·es. Tu veux comprendre la France de maintenant, au-delà des slogans ? Regarde. Partage. Et si tu vas à un ball, paye ta place, respecte l’étiquette, soutiens les artistes. La culture ballroom n’a pas besoin de compassion : elle mérite des allié·es fiables (et des tens across the board).
- Série documentaire à retrouver pour tous les fans de danse et de culture minoritaire sur France TV ou sur Youtube.
- Plus d'informations sur les origines de la scène Ballroom (EN): archive de Noelle Deleon
- Amandine Gay sort d'ailleurs un nouveau livre "Vivre, libre" sur la question de la survie dans un monde façonné par la suprémacie blanche (preach). A suivre aussi, sans hésitation.
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